LECTURE DES ROCHES GRAVÉES DE LA RÉGION DU MONT BEGO, TENDE, ALPES-MARITIMES
Henry De Lumley  1@  , Annie Echassoux@
1 : Institut de Paléontologie Humaine
Fondation I.P.H

Les gravures rupestres protohistoriques de la région du mont Bego, situées dans les Alpes-Maritimes, comprennent plus de 40 000 gravures figuratives, telles que des corniformes, des poignards, des hallebardes, des haches, des réticulés, des réticulés à appendices, des plages rectangulaires ou ovales, des anthropomorphes, des figures géométriques et des cercles rayonnants que nous considérons comme des idéogrammes et plus de 60 000 signes non figuratifs, tels que des cupules isolées, des groupes de cupules isolées, de petites plages de cupules, des nuages de cupule éparses, des barres, qui bien que non figuratives sont toutes significatives. Ces gravures, inscrites sur plus de 4 150 roches réparties sur 1500 hectares, dans huit hautes vallées montagnardes, réalisées le plus souvent au moyen de petites cupules jointives ou chevauchantes, n'ont pas été effectuées au hasard. Elles ont été tracées en relation avec les préoccupations économiques, les mythes cosmogoniques et les traditions culturelles des peuples agriculteurs et pasteurs de l'Âge du Cuivre et de l'Âge du Bronze ancien des Alpes méridionales au cours de rites propitiatoires. C'était une période correspondant à l'optimum climatique du Chalcolithique où, pendant l'été, dans les basses vallées, les champs cultivés et les pâturages s'asséchaient. Les préoccupations économiques des populations qui occupaient alors les régions situées de part et d'autre des Alpes méridionales étaient essentiellement tournées vers la recherche de l'eau pour irriguer champs cultivés et pâturages, ainsi qu'en témoignent les pétroglyphes inscrits sur les roches : des lignes sinueuses évoquant des ruisseaux ou des canaux d'irrigation, des plages rectangulaires ou ovales figurant des bassins de rétention d'eau, des cupules isolées, des groupes de cupules isolées, des plages de cupules ou des nuages de cupules éparses figurant la pluie, ou encore des réticulés, qui représentent les champs cultivés et les pâturages, reliés par des lignes sinueuses à des trous ou à des fissures naturelle évoquant les sources et les ruisseaux. Au cours de rites propitiatoires, les graveurs s'adressaient au dieu de l'orage, maître de la foudre et dispensateur de la pluie fertilisante, à la grande déesse, déesse-Mère ou déesse-Terre, les bras levés en position de réceptivité pour recueillir la pluie du ciel et pour apporter au printemps, avec le retour de la végétation, l'abondance aux humains. La banque d'images et la base de données consacrées aux gravures rupestres protohistoriques de cette région permettent désormais à tout chercheur de lire les compositions gravées, d'inventorier les types de gravure et d'en calculer les pourcentages, de connaître leur localisation sur le site, de rechercher leurs associations ou d'étudier leurs constructions. Notre démarche fait appel non seulement à l'ensemble des données observées et enregistrées dans cette région, mais aussi à nos connaissances des autres sites d'art rupestre protohistorique de l'Eurasie et du Proche-Orient, des traditions culturelles régionales, de l'histoire des religions et des mythologies des civilisations anciennes du Bassin méditerranéen, des régions du Moyen-Orient, de leurs connaissances astronomiques et des premières écritures méditerranéennes. Elle essaie de proposer une lecture des roches gravées et de comprendre la signification des gravures de la région du Bego.


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